La
coccinelle asiatique n'est pas un amour
ANTONIO SOLIMANDO (st.)
Mis en ligne le 04/11/2004
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/Attention, n'écrase pas la coccinelle, c'est
une créature du bon dieu.»/ Cette phrase, tous les enfants
l'ont entendue un jour ou l'autre. Vieille croyance populaire ou rumeur
enfantine, la conséquence est la même: dans nos esprits,
la coccinelle n'est pas un insecte comme les autres.
Pourtant, depuis quelques semaines, la fascination a
laissé place à une certaine crainte. «Harmonia Axyridis»,
la coccinelle asiatique, est en effet en train de coloniser nos régions.
Ces derniers jours, plusieurs centaines de foyers belges ont même
été littéralement envahis. L'insecte se réfugie
dans les habitations en automne, pour se prémunir du gel.
Cette espèce asiatique a été introduite
en Europe il y a cinq ans, aux Pays-Bas puis en Flandre, par des entreprises
privées de «lutte biologique». Avec, à la
base, une intention louable: plutôt que d'utiliser davantage de
pesticides pour lutter contre les pucerons, on augmente le nombre de
leurs prédateurs. En l'occurrence, les coccinelles, dont les
larves sont capables d'ingurgiter 150 pucerons par jour. Bref, un remède
de jardinier, qui permet d'éviter des ravages dans les rosiers.
Mais le choix d'«Harmonia Axyridis» était
très contesté, comme l'explique Pierrette Nyssen, responsable
du groupe de travail «Coccinula» au sein de l'ASBL «Jeunes
et Nature»./ «Certes cette espèce est connue pour
être un prédateur très efficace, mais nous savions
que son introduction aux Etats-Unis et au Canada il y a une dizaine
d'années avait été néfaste. Sa propagation
rapide était très vite devenue incontrôlable, et
menaçante pour les coccinelles indigènes. /»
Car «Harmonia» ne se contente pas de se
délecter de ses mets favoris, elle en profite pour engloutir
les autres prédateurs de pucerons. Et donc aussi ses cousines
coccinelles. D'où le danger d'extinction des espèces indigènes.
Cette coccinelle asiatique ne présente toutefois aucun danger
sanitaire pour l'homme.
Si les pucerons se font plus nombreux ces dernières
années en raison des fortes chaleurs, d'autres moyens d'endiguer
leur accroissement existent./ «Nous nous évertuons à
mettre au point des solutions qui ne déséquilibrent pas
la nature»/, affirme ainsi Fabrice Henri, le responsable commercial
de la société Horpi Systems. /«Nous élevons
des coccinelles prédatrices qui ne menacent pas les autres espèces
indigènes, comme la coccinelle à deux points.»/
Hélas, le mal est fait./ «Dans cette affaire,
les intérêts commerciaux ont pris le pas sur la nature»/,
regrette Pierrette Nyssen./ »L'absence de législation en
matière d'introduction d'espèces biologiques a aussi facilité
les choses.»/
Le plus préoccupant est qu'il n'existe pas de
solution pour stopper leur marche en avant. Après la Flandre,
«Harmonia Axyridis» a investi Bruxelles et le nord de la
Wallonie. Venues d'Asie, ces coccinelles ignorent visiblement tout de
nos frontières linguistiques. Avant peut-être de se propager
chez nos voisins européens, qui ne verront sans doute pas d'un
bon oeil l'arrivée de ces insectes à la carapace colorée.
De là à causer un incident diplomatique...
© La Libre Belgique 2004